Mandoline
Guitare
Harpe
Elurretan (sur la neige), devait être la musique d’une image – les Chasseurs sur la neige de Brueghel l’ancien. Je voulais faire le portrait de cette vaste blancheur, belle et difficile, amusante et rude. Après, beaucoup d’autres images se sont superposées : les délicates estampes d’Hiroshige, des toiles translucides de Monet, une promenade solitaire en plein hiver dans le jardin anglais de Munich – la sonorité particulière de ce paysage, qui étouffe les sons lointains et rend secs les plus proches, cache une certaine violence.
Le titre du premier mouvement, Mara-mara, est une onomatopée basque qui décrit le débit de précipitation de la neige, doux et copieux. On y entend une descente de petites particules, ponctuée d’attaques de plus en plus rythmiques. J’ai voulu regarder les flocons de loin et de près simultanément ; opposer l’aspect moelleux d’une colline enneigée au profil coupant et géométrique de chaque flocon, comparable à une arme minuscule et unique, engrenage indispensable de la machine du froid.
Le deuxième mouvement, Irrist, ne contient pratiquement que des glissades, se liant dans mon imaginaire au pullulement d’une patinoire. Il s’agit, certes, d’un mouvement ludique (guitare et mandoline jouent en ping- pong les notes d’une ligne commune), mais j’ai voulu creuser, par l’intensification des gestes, un certain agacement ; une exaspération qui révèle le penchant dramatique de la musique de chambre.
Dardar, tremblement, rend par un trémolo constant une sensation de froid, une vibration de l’air proche de la vision ou du mirage – comme celle de la petite fille aux allumettes. L’apparition ne se fait pas attendre : la mélodie de Ravel sur un poème de Marat, « D’Anne qui me jecta de la neige », parcourt en filigrane tout le mouvement.
Elurretan est aussi l’extension d’une pièce précédente pour guitare et électronique, Belarretan (sur l’herbe), qui explorait les musiques qui pourraient sonner dans le Concert champêtre de Titien. Si l’électronique ouvrait la porte à un déploiement illimité des sons de la guitare, dans Elurretan j’ai dû faire vivre les idées dans le cadre des possibilités instrumentales, que j’ai élargies par une démarche exploratoire – et volontairement appauvries par une présentation répétitive et sans mélange des éléments. Je m’inspire peut-être de ce qu’il y a de paradoxal dans la neige : une monotonie venue de la répétition d’objets uniques et précieux.