Basse et ensemble instrumental [5 musiciens] : 2 saxophones (alto et baryton), contrebasson, contrebasse et percussions
Yamaon met en scène durant trois mouvements un personnage (Yamaon) qui « prophétise au peuple la conquête et la destruction de la ville d’Ur » (cité mésopotamienne de l’Antiquité). La création a eu lieu à Strasbourg, trente ans après la composition, l’année même de la mort du compositeur. À l’instar d’Ecuatorial (1934) d’Edgar Varèse, Yamaon utilise une palette de voyelles, de consonnes et de syllabes privées de contexte sémantique. Renforcés par la couleur sombre et le ton péremptoire de la voix masculine, l’impact des accents de la langue inventée et leurs diverses résonances corollaires prennent alors valeur d’expression à la fois cathartique et laudative, les instruments graves renvoyant comme une ombre le caractère hétérogène de l’énergie du discours lyrico-prophétique.
Énigmatiques, les phonèmes semblent provenir de quelque bréviaire disparu depuis des lustres. Ainsi, par l’emploi de signes oraux utilisés a priori pour leur stricte coloration sonore et pour leur expressivité propre, Scelsi se situe dans le droit fil de l’esprit des Véda (les légendaires prières védiques véhiculant des textes sacrés, issues d’une expression religieuse pré-hindouiste).
Pierre-Albert Castanet