Puisque j’écrivais pour Amel Brahim-Djelloul (soprano algérienne) et à la demande de Sébastien Boin, directeur artistique de l’ensemble C Barré, j’ai choisi pour ces mélodies des poèmes écrits par des femmes arabes ; certains en langue arabe, d’autres en anglais (que j’ai arrangé en traduction française). Malgré leurs origines différentes (Arabie Saoudite, Égypte, Palestine), les poètes Fawziyya Abu Khalid, Pauline Kaldas et Asmaa’ Azaizeh ont en commun d’avoir pu étudier et travailler dans des universités prestigieuses. Elles sont connues pour avoir défendu les droits des femmes et leur façon d’écrire dévoile une pointe d’insolence, sans laquelle elles n’auraient pas pu s’imposer en tant qu’autrices : lorsque Fawziyya Abu Khalid déclare enseigner à sa mère l’entêtement et la malice, elle subvertie à la fois l’enseignement vertical (mère-enfant) et l’obéissance (notamment aux hommes).

J’ai intitulé le cycle Mi-rages pour mettre en avant les deux fils rouges qui traversent les poèmes : le vocabulaire lié à l’eau et une demande insistante de justice qui ne frôle jamais la rage, mais qui s’inflamme de droit. Peu de poèmes se présentent entiers ; il s’agit plutôt d’extraits tissés dans une fresque en six parties (où les thématiques, musicales comme poétiques, apparaissent et disparaissent). La voix reste souvent au plus près des mots, mais se permet également des rythmes issus d’un folklore indéfini (avec des traits arabo-espagnols). Comme je ne peux pas lire l’arabe, je me suis appuyé sur des translittérations et des lectures enregistrées patiemment par le chef et compositeur Amine Soufari.

L’écriture de cette pièce a coïncidé avec des attaques de l’armée israélienne à Gaza ; selon l’agence de l’ONU UNRWA, plus de 10 000 femmes palestiniennes sont mortes entre octobre 2023 et avril 2024. Je pense à elles.

Mikel Urquiza