Du reste, le féroce éclectisme de ses collaborations artistiques explose, en la démultipliant, l’image d’un instrument longtemps figé dans un folklore populaire désuet. Entre ses mains, le petit luth se trouve pris dans un jeu de miroirs, dévoilant des facettes inattendues, diffraction scintillante de possibles : de Vladimir Cosma à Régis Campo, d’André Minvielle à Richard Galliano, la galaxie explorée est en permanente expansion, Vincent Beer-Demander se refusant à imposer une limite à sa curiosité insatiable et continûment renouvelée.

On trouve dans cette joyeuse boulimie parfaitement assumée la trace intacte d’émotions d’enfant, l’écho de révélations qui décident d’une vie : la rencontre avec Francis Morello, son premier professeur qui lui enseigne les rudiments, à Toulouse, dans l’école de musique qu’en sage humaniste, il a créé pour faire vivre les idéaux de l’éducation populaire.

Le choc premier – une commotion, même – devant la puissance et la sincérité de Freddy Mercury, le chanteur de Queen à la carrière météorique et tragique.

La musique sera une manière d’être au monde, de s’y tenir, de dire son mot. Par conséquent, tout lui cède, et notamment la pratique du sport, jusqu’alors intensive, dont il garde le goût de l’effort et l’esprit combatif. Avec une énergie homérique, Vincent Beer-Demander dévore tout le répertoire et affûte sa technique auprès de Florentino Calvo. Le maitre lui ouvre les portes de sa classe au sein de l’École Nationale d’Argenteuil, haut-lieu de la mandoline en France tandis qu’à l’École Normale de Musique de Paris, Alberto Ponce l’accompagne jusqu’à la prestigieuse licence de concert qui n’avait encore jamais été décernée à un mandoliniste.

Ceux qui fréquentent le jeune musicien sentent l’urgence d’une vocation à laquelle tout se soumet. Dès lors, la vie s’accélère et s’intensifie : les premiers prix s’amoncellent – sept en quatre ans – le goût de la scène se confirme, la stature du concertiste s’impose au gré des tournées qui s’enchainent, ponctuées de commandes et de créations, de collaborations tout azimut. En vingt ans de carrière, on ne compte plus le nombre d’évènements décisifs que Vincent Beer-Demander a porté, en France comme à l’étranger, pour donner un avenir à son instrument. Installé à Marseille, il a créé, comme son vieux mentor toulousain, une académie populaire dans les quartiers ainsi qu’une classe au Conservatoire de Marseille et au Conservatoire Royal der Liège pour l’enseignement supérieur, attentif à ce que le répertoire qu’il a créé se transmette et que la pratique de la mandoline, profondément renouvelée, s’ancre dans la vie musicale.