Pièce d’une « puissance énorme, presque terrifiante » selon Harry Halbreich, Okanagon se situe bien au-delà des premières œuvres importantes de Scelsi (Tre canti popolari, 1958 ; Quatre Pièces sur une seule note, 1959), à une époque où il cherchait l’inclusion d’effets sonores spéciaux relevant des spectres inharmoniques, dont le bruit est une composante à part entière. Les instruments sont ainsi joués dans cette pièce avec des résonateurs (pour la harpe et le tam-tam dont le résonateur « doit produire une sonorité rauque et grave »), traités de façon inhabituelle (les notes graves de la harpe sont « prises avec les deux mains », d’où une position spéciale de l’instrumentiste), éventuellement amplifiés pour certains, et parfois utilisés en tant que purs instruments de percussion – comme c’était déjà le cas dans Ko-Tha (1967), pour guitare. Si l’on ajoute encore les couleurs spécifiques (différentes baguettes pour le tam-tam, jeu avec l’ongle ou un plectre en métal pour la harpe) et les accords très particuliers (« scordatura ») de certaines cordes, on obtient le « décor » sonore étrange d’une œuvre que Scelsi conseillait de considérer « comme un rite ou, si l’on veut, comme le battement de cœur de la terre ».