Ce travail sur la représentation de la lumière a été entamé lors de mon séjour à la Villa Médicis entre 1996 et 1998, puis retravaillé à la Casa de Velazquez entre 1999 et 2001 et repris à Kyoto au printemps 2018. La lumière, nous pouvons la capter, la cultiver au-dedans de nous-mêmes et en redonner les fruits tels des arbres, don et contre-don comme nous l’enseignent les sociétés dites primitives dont les modes de vie sont si bien accordés à leur écosystème. Mais In fine, c’est notre relation au monde qui est en jeu ici : ce Livre d’Heures en est l’expérience sonore, de la nuit à la nuit.
Le rabbin : Qu’as-tu vu, Sarah, au fond de l’enfer ?
Sarah : Je vois le feu, mais je ne vois pas Yukel. Je vois l’eau qui étouffe la flamme, mais je ne vois pas Yukel. Je vois l’eau et le feu.
Le rabbin : Qu’as-tu vu, Yukel, au fond de la nuit ?
Yukel : Je vois l’ombre dans l’ombre, mais je ne vois pas la nuit. Je vois le soleil dans le soleil, mais je ne vois pas le jour.
Le rabbin : Qu’espères-tu, Sarah, au fond de l’enfer ?
Sarah : Je suis entre le fer et le fer et je rêve d’horizons. Je suis entre le mur et le mur et je rêve de moissons.
Le rabbin : Qu’espères-tu, Yukel, au fond de la nuit ?
Yukel : Ne pas voir ; le plus tardivement voir afin d’atteindre le dernier le promontoire de la vue.
Edmond Jabès, Le livre des questions [extrait], éditions Gallimard